Tract diffusé par les groupes de la CRAAM lors de la manifestation de Stop Micro du dimanche 30 mars 2025
Comme les deux années précédentes la Coordination Régionale Anti-Armements et Militarisme était présente lors des actions organisées fin mars par Stop Micro. Les 28 et 29 mars un colloque international « semi-conducteurs : l’impossible relocalisation » a réuni pas mal de monde à Grenoble et le 30, une manifestation a réuni environ 2200 personnes à Bernin en périphérie de Grenoble, ville où sont implantées les usines de puces de Soitec et de STMicroelectronics.
Grosse différence avec les années précédentes, cet ensemble d’activités était co-organisé avec les Soulèvements de la Terre, groupe dont nous critiquons et refusons les pratiques comme le discours.
La manifestation a réuni selon nos comptages, 2200 personnes. Il y avait environ 1600/1800 personnes à Grenoble l’année précédente. C’est donc une progression mais loin des cris de victoire (3000 personnes) des organisateurs (chiffre âprement discuté en interne) et encore plus loin des 5000 que les professionnels de la com’, de la force et de la « composition » espéraient.
Le tract que nous avons massivement diffusé dans tous les cortèges de la manifestation (2000 ex) reflète même imparfaitement la participation à cette manif, nos analyses et notre critique des SDLT. Cette critique a aussi été très concrètement portée par les personnes directement concernées qui ont manifesté sous la banderole « Halte à la vampirisation de nos luttes par les Soulèvements de la Terre ».
Militarisme, aliénation technologique, guerre au vivant… Est-ce que ce monde est sérieux ?
On peut tout faire avec la technologie de pointe sauf s’asseoir dessus. L’usurpation qui gouverne au nom du progrès doit sans cesse en fabriquer de nouvelles preuves (EDN n°14, 1989).On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus (Talleyrand à Bonaparte)
Le monde se recroqueville, se hérisse et se nucléarise
Les innombrables massacres et conflits en cours (Soudan, RDC, Ukraine, Palestine, Birmanie…) obéissent à des logiques de pillage de territoires et de ressources par des États ou des entités militaro-capitalistes qui ne connaissent que la loi d’airain : ressources=profits= puissance.
On voit les USA « négocier » les mines ou centrales de l’Ukraine ; le Rwanda ensanglanter le Kivu pour son Coltan et l’Africa Corps (ex groupe Wagner) piller et raffiner l’or au Mali et en Centrafrique. Ces vols s’appuient sur la volonté de puissance d’États de plus en plus militarisés violents face à des peuples et pays qu’il s’agit de soumettre ou de détruire car, « ennemis ».
Cette logique meurtrière globalisée re-devient palpable. Dans les médias, on re-parle normalement de guerres et de massacres entre une grève d’éboueurs et le foot. Les dirigeants emploient un vocabulaire destiné à nous tétaniser : « économie de guerre » « réarmement » (démographique, moral, national) ; « ennemis », « défense nationale », « efforts nécessaires », « sacrifices », « résilience ». Cette prose montre que la normalité c’est la guerre, la paix c’est l’exception.
L’arme atomique revient, en protection ultime : relance par les grandes puissance de leurs arsenaux nucléaires, départ de la Russie et des USA du traité sur les missiles à moyenne portée ; tensions internationales poussant des pays à acquérir la bombe (Corée du sud, Japon, Iran…). Or, contrairement à ce que l’on croit, « plus un État accroît sa puissance militaire pour garantir sa sécurité, et plus sa sécurité diminue, car l’augmentation de sa puissance incite ses adversaires à augmenter la leur. » (Les armes nucléaires 2025-Elucid).
En France plus de 30 000 personnes travaillent pour la bombe atomique (ArianeGroup, Safran, Thales, CEA…). Et les 54 milliards prévus pour sa modernisation, vont profiter aux fabricants de puces résistantes aux radiations (Soitec, NanoXplore, Teledyne…) et au CEA de Grenoble.
2025 est l’anniversaire des 80 ans des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki : 120 000 morts instantanés et des centaines de milliers de blessés. Ce sera aussi l’année où la course à la destruction mutuelle assurée (MAD) sera redevenue visible !
La France dans le jeu morbide de la guerre et de la tech
Toutes les guerres sont du pain béni pour la France, deuxième exportateur mondial d’armes en 2024. Son VRP, Macron n’hésite pas une seconde à financer la relance par la mort :
– Filières stratégiques : poudres, cristaux souverains, puces, capteurs, canons, obus, blindés, avions… Sans oublier la Sainte Alliance des élus pour sauver Vencorex, au nom de son rôle « stratégique » pour les missiles nucléaires français.
– Mobilisation scientifique par l’« innovation de Défense » : partenariats INRIA-NavalGroup (sous-marins à Grenoble !) ; start-ups militaires grenobloises (Qobly, DiamFab) ; business criminel de la CCI de Lyon (Cluster EDEN et Hub des Sécurités).
– Ventes d’armement à nos bons clients, parfois ennemis entre eux : Serbie (Rafale) ; Israël (puces, transpondeurs Thalès…) ; Émirats Arabes Unis et Inde (de tout) ; Grèce (corvettes) et à la Turquie, son ennemi juré, des missiles Meteor. Sans oublier les violations par Thalès, Safran, Michelin et des PME lyonnaises (Elistair, Nicomatic) de l’embargo militaire contre la Russie.
– Obligation pour les industries de l’armement de créer des stocks : missiles, obus, et pièces détachées ; loi de réquisition de chaînes de productions civiles pour le militaire en cas de guerre,
– Augmentation du budget des armées : Passage prévu de 60 milliards à 100 milliards pour atteindre « le poids de forme » grâce à nos sacrifices…
– Explosion boursière des entreprises d’armements : Rheinmetall, Thales, etc tandis que la crise s’accroît. Les 800 milliards de « Rearm Europe » offrent « un gros potentiel de croissance pour les entreprises de défense européennes. » (Ursula).
– Campagnes publicitaires éhontées et mensongères : recrutement de jeunes afin d’atteindre le minimum de 300 000 soldats en 2030 (réservistes compris), relance du SNU ; bourrage de crâne militariste (« nation », « »sacrifices », « responsabilité ») pour habituer aux guerres du futur.
La guerre technologique au vivant, ici et ailleurs
Ces choix de relance du complexe militaro-industriel et une compétition internationale féroce doivent « tirer vers le haut » tous les secteurs industriels par :
– La relance de l’extraction minière. L’illusoire souveraineté sur les minerais stratégiques fait fleurir les projets : tungstène à Salau, quartz à Lempzours, lithium à Échassières… Ce dernier projet « d’intérêt national majeur » (1 milliard soit 1666 ans de RSA) détruira un peu plus un territoire déjà gravement pollué par les mines du passé.
– Le développement frénétique des puces. C’est la matière première de tous les gadgets électroniques et du Mordor militaire avec l’objectif européen de 20 % de la production mondiale. À Grenoble, malgré les plans de licenciements (STM, Soitec) liés aux cycles des marchés, le laboratoire grenoblois résilient absorbe toujours capitaux et cerveaux, pour toujours plus de start-ups, d’instituts de recherche et de productions mortifères.
– L’alliance chimie/ électronique. Les projets d’agrandissement d’Arkema (près de Lyon), pollueuse éternelle par ses PFAS, se poursuivent. Parmi ceux-ci, le PVDF isolant vital pour l’industrie électronique, n’a pas été interdit par la récente loi contre les PFAS. Étonnant non ?
– Le tout-électrique. Arkema produira les sels de lithium des batteries de la pseudo transition énergétique. À Grenoble, Verkor prévoit la construction de la plus grande « Gigafab » de France de batteries (Nord). Et, transition oblige, les monstrueuses pollutions et incendies provoqués par les batteries au lithium resteront cachées.
– Relance à marche forcée du nucléaire dit « civil ». Pour nourrir tout ce qui précède il faut 6 nouveaux EPR2, dont 2 à Bugey dans l’Ain. Cela dans une région où le débit du Rhône doit baisser de 40 % du fait du dérèglement climatique. Et, la boucle du nucléaire est bouclée avec l’accord EDF/CEA-DAM pour irradier du lithium (centrale de Civaux) pour produire le tritium nécessaire aux bombes H.
Dans toutes ces situations, dans les villes et les campagnes, les locaux sont priés de se taire et d’accepter avec enthousiasme l’accaparement des ressources en eau, les pollutions multiples, le siphonnage des fonds publics, au nom de la prolifération d’objets connectés, de voitures électriques, de villes « intelligentes » et d’armements. Car chacun le sait, le progrès et le bonheur seraient dans une société-machine où la connexion permanente masquent mal la techno-police de surveillance, la violence du pouvoir (A69, Kanaky, Mayotte…) et les violences capitalistes et militaires qui détruisent tout : vies, nature, planète.
Nourrir l’ogre IA ?
L’association du tout électrique et du tout numérique impose des infrastructures dévoreuses d’eau et d’électricité (10 % de la conso en France selon Reporterre ). Les projets de construction de 35 data centers pour l’IA en sont la quintessence. Sur les 4 prévus dans la Région, deux sont ici : Villefontaine et Eybens. Celui-ci sera monstrueux : 800 millions d’investissements (pour 20 emplois créés soit 40 millions par emploi !) ; une puissance de 1 GW (la production d’un réacteur nucléaire !) ; sans compter une consommation d’eau déjà fabuleuse au départ (12 000 m3 /an soit trois piscines olympiques), rejetée à 65 °. Dernier bonheur pour les investisseurs : les «… projets de centres de données » sont exclus du champ d’action de la Commission Nationale du Débat Public (Le Postillon 76).
Face à cette nouvelle pollution numérique, c’est silence radio chez les élus de gauche, les syndicats (on a déjà l’habitude avec STM) comme des groupes radicaux pour qui l’important c’est semble-t-il, de quitter X pour Bluesky. Pourtant, une requête IA consomme 20 à 30 fois plus d’énergie et d’eau qu’un serveur ou une application classique. Et cela dans un territoire où les usines à puces et chimiques mettent déjà en péril l’approvisionnement en eau potable.
Notre anti-militarisme est anti-autoritaire
« Ce qu’il nous faut c’est une organisation militaire d’agents » (Lénine 1902)
Le monstre industriel écrasant et les situations de crise (écologique, sanitaire, sociale ou militaire) provoquent souvent dans les sociétés des replis identitaires et autoritaires accompagnés d’appels à de vrais chefs au nom de l’urgence, de l’efficacité et de la survie. C’est devenu le mode d’intervention quotidien des politiques et des États. Mais, le mélange identité/autorité/efficacité fait aussi des ravages dans le mouvement social.
C’est le cas de certains groupes comme les Soulèvements de la Terre (SdlT). Avec eux les vieilles pratiques des groupes léninistes reviennent habillées de neuf : direction « invisible » mais bien pesante, entrisme, création de succursales (Guerre à la guerre par exemple), segmentation, hiérarchisation, sélection les luttes « gagnables » et utilisation des militants de base comme de la piétaille pour faire du chiffre.
Tous les moyens sont bons au nom de l’urgence ou de l’efficacité : jouer sur l’anxiété, la peur, faire miroiter une supposée « puissance » ou « force » ; créer « des digues » pour ne jamais discuter ; associer le vocabulaire militaro (créer des fronts, désarmer) à celui du marketing et de la com’ politique (produit, restructuration, porte-parolat…) ; promettre de l’action avec des « teasers » chocs tout en créant des alliances opportunistes avec les politicards…
De la même manière les indignations sélectives et les calculs savants basés sur des camps fictifs conduisent à des culs-de-sacs, car les pires ennemis d’un jour sont toujours capables de s’allier sur le dos de peuples et de pays pour les coloniser, recoloniser et opprimer. L’alliance entre les USA et la Russie sur le dos de l’Ukraine, l’hypocrisie de l’État turc qui en 2023/2024 condamne Israël tout en y exportant massivement carburant, machines et munitions en sont des exemples récents.
Si nous voulons mettre fin au militarisme, à l’autorité et au capitalisme qui gangrènent les sociétés et détruisent la planète, il nous faut nous tenir fermement à quelques principes simples de travail de terrain, d’horizontalité, de sincérité, d’ouverture, de refus de l’autoritarisme, de résistance à la propagande et aux manipulations et d’un minimum d’esprit critique.
La guerre se fabrique près de chez nous, refusons d’être complices
Mines, IA, puces, vie connectée et techno-solutionnisme : ni ici, ni ailleurs
Ni chair à canons, ni chair à patrons, ni chair à dirigeants !
Solidarité internationale antimilitariste !
Coordination Régionale Anti-Armement et Militarisme – Mars 2025
Qui sommes nous ?
Dans un contexte où les tensions internationales et la répression des mouvements sociaux partout dans le monde sont en hausse, où – conséquence directe – l’industrie de l’armement est en plein boum, où foisonnent les politiques publiques militaristes et sécuritaires – hausse des budgets, Service National Universel… – nous considérons qu’il est urgent de développer un mouvement anti-militariste d’ampleur. La Coordination Régionale Anti-Armement et Militarisme a pour objectif de mettre en lien les diverses initiatives anti-militaristes de la région AuRA. Trois groupes existent à Lyon, Grenoble et Saint Étienne.
Toutes les énergies sont les bienvenues, n’hésitez pas à nous contacter ! craam@riseup.net
Rappel : ce tract papier consommera toujours moins d’eau et d’énergie qu’un post, la vidéo d’une action radicale sur les rézosociaux ou la puce STMicro d’un Gogolphone. Et, il pourra être lu sans avoir besoin d’une batterie au lithium alimentée à l’électricité nucléaire.
Le tract en version maquettée et téléchargeable