Lyon, capitale européenne du militaro-sécuritaire ?

Les versions PDF de la brochure sont bien plus confortables à lire. Elles sont téléchargeables avec les liens suivants :

Version livret (imprimable en A4 recto-verso)

Version page par page

INTRODUCTION

Ukraine, Gaza… nous sommes nombreuses et nombreux à nous indigner face aux massacres et aux nombreuses victimes civiles que ces guerres et leur cortège de crimes de masse provoquent. Ces deux conflits extrêmement médiatisés en font malheureusement passer d’autres au second plan : Soudan, Libye, Syrie, République Démocratique du Congo, Birmanie, Centrafrique, Mali… Cette multitude de guerres, conflits, massacres et répressions est alimentée par des acteurs extérieurs : États, multinationales… qui y ont des intérêts concrets. Le sujet n’a malheureusement rien de nouveau et la France y a joué sa partition macabre : première guerre du Golfe (1991), guerre et génocide au Rwanda (1994), guerre civile interminable au Yémen, Kurdistan, répression féroce des opposants en Égypte… Ces conflits ont été et sont parfois encore alimentés par les choix politiques de l’État français et de son industrie de l’armement. Cet état de fait existait hier et se reproduira demain si nous restons uniquement dans la réaction émotionnelle et n’agissons pas en antimilitaristes sur la préparation industrielle et politique des guerres.

Vous ne le savez peut-être pas mais 90 % des composants électroniques français retrouvés dans l’armement russe utilisé en Ukraine, ont été fabriqués à Grenoble1. De manière générale, la région Auvergne-Rhône-Alpes constitue une place forte en matière de fabrication d’électronique militaire, sécuritaire mais aussi à usage civil (pour l’ensemble de la fabuleuse vie quotidienne « connectée »). Par ailleurs, un grand nombre de petites et moyennes entreprises (PME) d’armement près de chez nous fournissent des équipements de guerre et de répression que l’on retrouve dans différentes parties du monde : Kurdistan, Syrie, Égypte, Côte d’Ivoire, Sénégal, République Démocratique du Congo, Thaïlande…2

Une partie importante de l’économie de la Métropole de Lyon et de la Région repose donc sur le développement technologique numérique de l’ensemble de la vie : applications pour la Smart City rêvée notamment par les écologistes de gouvernement, outils sécuritaires et matériels militaires variés etc. Cette économie et ses acteurs civils ont donc des liens étroits avec les guerres et les répressions ailleurs dans le monde : à l’heure où les guerres s’intensifient et se multiplient, l’escalade numérique et technologique bat son plein.

Qui sommes-nous ?

La CRAAM (Coordination Régionale Anti Armements et Militarisme) s’est créée suite au rapport « La guerre se fabrique près de chez nous », de l’Observatoire des armements, qui montrait l’implication des entreprises de la région Rhône-Alpes dans les guerres actuelles. Elle regroupe dans plusieurs villes (Lyon, Grenoble, St Étienne) des groupes qui veulent, entre autres choses, lever le voile sur le rôle et l’imbrication de l’industrie d’armement dans l’économie locale et les conséquences que cela entraîne ici et ailleurs. Rassemblements devant ces entreprises, tractages, collages, réunions publiques, manifestations anti- militaristes, et anti-guerre : nous agissons plus près de la matrice guerrière et militaro-industrielle, qui rend possible les conflits et les répressions ici et ailleurs. Petit à petit, les rapports étroits entre les industries numériques et militaro-sécuritaires nous sont devenus clairs, et nous en sommes venus à articuler notre critique antimilitariste avec celle de la politique du tout numérique et du techno-solutionnisme.

Ainsi, nous sommes en lien avec d’autres luttes qui s’opposent aux industries en pointe de la « transition énergétique », c’est à dire au projet de société du tout-électrique/numérique (STMicroelectronics à Grenoble, Arkema/Daikin à Pierre-Bénite, projet de mine de lithium d « Imerys » dans l’Allier, projet de barrage « Rhônergia » de la CNR, etc.) que l’on nous impose.

S’il est vital d’y participer, il nous semble tout aussi important de mettre en lumière la facette militaro-sécuritaire de cette société : « campus sécurité globale » dont il sera sujet dans ce texte, « portefeuille d’identité numérique » actuellement en essai, « Vidéo Surveillance Algorithmique » (VSA) déployée pour les J.O. et que la région AURA aimerait installer aux abords des Lycées… Tout cela appartient au même monde numérique totalitaire.

Ce dont il va être question

Au fur et à mesure de nos enquêtes et actions, nous avons pris conscience qu’existait un « écosystème » local de l’industrie militaire, véritable puzzle liant différents secteurs (économiques, industriels, universitaires, idéologiques, militaires et sécuritaires), autour de deux objectifs  liés : développer autant que possible cette industrie locale liée à un marché d’État captif et juteux, et permettre à l’État d’avoir sur son territoire une offre optimale en terme de matériel et de services – la « souveraineté industrielle » – dont nous bassine le gouvernement.

Le texte qui suit tente de comprendre ce qui se joue localement, autour de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon-Saint-Étienne-Roanne (CCI) à l’heure de l’« économie de guerre » et du « réarmement » voulu par la Macronie.

La CCI joue un rôle central dans cette affaire : elle est, entre autres choses, à l’origine du Cluster EDEN, lobby local des PME de l’armement, et d’un projet dont la presse locale a très peu parlé, celui d’un « Campus européen de la Sécurité Globale », parfois aussi appelé « Hub européen de la sécurité globale ».

Ces initiatives peuvent laisser penser qu’un « modèle lyonnais » militaro-sécuritaire est en construction.

Ce document est aussi une invitation à agir contre ce secteur de l’économie nationale gavé par les financements publics qui, encore plus que tous les autres, a du sang sur les mains.

Chambre de Commerce et d’Industrie : késako ?

La majeure partie de la population comme les groupes militants ignorent généralement ce rouage essentiel de la machine capitaliste dans les territoires – nous espérons qu’après la lecture de cet article, cela ne sera plus le cas.

Les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) sont des établissements publics d’intérêt général chargés de représenter les intérêts de l’industrie, du commerce et des services sur un territoire donné. Historiquement, elles ont été créées par des entrepreneurs locaux. Progressivement elles sont devenues des « chambres consulaires » (comme celles de l’artisanat et de l’agriculture). Bénéficiant d’importants fonds publics, elles forment leurs membres – marketing, comptabilité, cybersécurité, fresque du climat… – accompagnent la création d’entreprises et soutiennent des « projets innovants ». Elles développent aussi en leur sein des activités d’intelligence économique et territoriale, troublant mode opératoire dont les pratiques s’inspirent d’un service de renseignement (la recherche « d’information sensible stratégique »), dont la première expérimentation s’adressait uniquement à deux filières dont la filière Chimie Environnement – curieux, non ?3 Elles mènent aussi des opérations de lobbying : par exemple, la CCI de Lyon4 et des associations de commerçants ont fait le forcing pour obtenir de la Préfecture du Rhône l’interdiction des manifs de Gilets Jaunes en centre-ville.

Les CCI possèdent en propre ou gèrent des infrastructures importantes. Par exemple, celle de Lyon possède l’aéroport Lyon-St Exupéry, le Banc National d’Épreuve de St Étienne (BNE), l’École de Management de Lyon (EM Lyon) – grande école de management privée de renommée internationale – des centres de formation et des écoles de commerce privées. Nous y reviendrons ultérieurement.

HUB-TOI DE LÀ QUE J’M’Y METTE

Le 2 octobre 2023, le visage du général Darricau, ancien gouverneur militaire de Lyon (jusqu’en juillet 2023), s’étalait sur le site Lyon-Entreprises5 : il venait d’être nommé « directeur du projet hub européen de la sécurité globale » porté par la CCI avec le soutien des élus locaux6. Ce « hub » prendra place à Écully, sur les 7 hectares actuellement occupés par l’EM Lyon. Sébastien Michel, maire LR d’Écully, se targue d’avoir soufflé à la CCI l’idée du lieu en 2020.

D’abord, c’est quoi un « hub » ? En gros, il s’agit de regrouper et de faire rencontrer les différents acteurs d’un même domaine – entreprises, recherche, écoles, etc. –, ce regroupement leur permettant de fonctionner en « synergie ». Si l’on veut être mauvaise langue, on peut dire aussi que ça permet au monde économique et entrepreneurial d’avoir plus d’influence sur celui de la recherche et de l’enseignement supérieur, ces derniers se mettant au pas des exigences et besoins du premier.7

Pour Philippe Valentin, président de la CCI, ce « hub » sera « une Silicon Valley de la sécurité au sens large ». On y traitera de « la protection contre les cybermenaces et les aspects liés à l’intelligence artificielle », la « sécurité des biens et des personnes (tout ce qui est lié au régalien), [..] et à la formation au sens large, qu’il s’agisse de celle des policiers municipaux, de la police technique et scientifique (déjà installée de longue date à Écully) ou bien encore d’agents de sécurité privée »8. Sans oublier, « plusieurs pôles autour de la formation et l’entraînement, de la recherche et l’expérimentation, de l’accompagnement des entreprises » sans oublier « la sécurité environnementale, sanitaire et alimentaire ». Tout un programme au service de l’aliénation numérique et du contrôle dans toutes ses dimensions.

La CCI souhaite y « travailler à 50-50 pour le privé et le public ». Ce qui revient à dire que des contrats public-privé vont pleuvoir ; non seulement l’argent de la population tombera dans les poches de margoulins privés, mais en plus il servira en retour à surveiller et réprimer cette même population. La servitude volontaire dans toute sa splendeur.

Notre général Darricau, chargé de mettre en musique (militaire) tout ce bastringue, a été recruté « directement » par Philippe Valentin. Ici apparaît quelque chose de significatif et, comme nous le verrons, loin d’être une exception : le rapprochement entre l’industrie locale (CCI, entreprises, etc.) et l’armée française ou ses hauts gradés.

Avec ce futur « hub », et sous l’égide d’un ex-général, les différents versants du militaro-sécuritaire (recherche, économie, militaire, police) se retrouveront dans la même structure, afin que tout ce monde n’en puisse plus d’innovations et de développement permanent.

La « Sécurité globale », un rêve de flicage total ?

C’est quoi la « sécurité globale » dans le nom du hub ? Elle est indissociable du « continuum sécurité défense9 », sur lequel phosphorent les pouvoirs publics et les industriels concernés depuis la fin de la guerre froide. Cette doctrine vise à encourager le rapprochement entre le sécuritaire – disons pour faire vite ce qui relève du monde « civil » – et le militaire qu’ils soient d’État ou privé.

Depuis plusieurs dizaines d’années, les opérations militaires intègrent souvent des aspects de « maintien de l’ordre » et de surveillance, tandis que la police nationale comme municipale se militarise de plus en plus, que ce soit au niveau de la doctrine ou du matériel. La guerre est aussi un « excellent laboratoire » pour expérimenter des méthodes et du matériel qui pourront être utile à la police sur le territoire national10.

Le rapprochement entre public et privé participe aussi de cette dynamique ; ainsi, les boîtes de sécurité privées voient leur champ d’action et de compétence élargi11.

Des services de l’État (Police, Justice, Armée) aux collectivités territoriales, en passant par l’université, les services publics et bien sûr les multiples entreprises et lobbys privés, tout doit être mis en lien et partagé méthodes, matériels, retours d’expérience (« retex »), etc – et ainsi former un « continuum ». Associé aux nouvelles technologies numériques, l’État possède ainsi l’outil idéal permettant un flicage global des populations.

Notre futur « hub », qui a tout l’air d’une concrétisation de cette doctrine, porte donc très bien son nom.

L’EM Lyon, ou la fabrique des managers du pire

Où va donc être implanté ce « hub sécurité globale », bijou du militaro-flicage ? Sur le futur ancien site de l’EM Lyon à Écully dont la CCI est propriétaire12. L’EM, de son côté, inaugurera à la rentrée 2024-2025 son nouveau campus à Gerland13.

Jusqu’en 2018, l’école était la propriété exclusive de la CCI. Elle en a ouvert le capital à une multinationale de l’enseignement privé (Galileo Global Education)14 et à la Banque Publique d’Investissement (BPI France) pour essayer de remonter dans le classement du top 10 mondial des écoles de management – en d’autres termes, le top 10 des formations de soumission aux intérêts économiques.

L’EM est fière d’avoir formé entre autres Stéphane Bern, Nathalie Péchalat et Marion Maréchal Le Pen15. Et, Marlène Schiappa y suit maintenant des cours à distance. Chacun ses références…Sous le vernis « écoresponsable » affiché16, l’EM forme les cadres et patrons d’entreprises qui détruisent avec constance la planète et ses habitants : management, gestion, finance, entrepreneuriat, ressources humaines, sciences économiques et sociales sans oublier les formations spécialisées en IA, sécurité et cybersécurité sont au menu.

Nos raisons de parler de l’EM Lyon ne s’arrêtent pas là. Elle invite régulièrement David Hornus, patron de Corpguard17, une entreprise de sécurité privée basée à Brignais, qui trempe dans diverses barbouzeries et est décriée jusque dans les milieux militaires18. Par ailleurs, Hornus a été maître d’œuvre de l’élaboration de la « Contribution territoriale au continuum de sécurité globale en région Auvergne-Rhône-Alpes »19. Le défuncté Gégé Collomb (ancien maire de Lyon, président de la Métropole et ministre de l’Intérieur) l’a chaleureusement remercié pour cette « contribution territoriale associant acteurs publics et privés de la sécurité. » Outre des missions de formation militaire à destination de régimes responsables de crimes de guerre (Côte d’Ivoire), Corpguard offre des services « sécuritaires » pour le civil, comme la protection d’entreprises en cas de conflit social ou la surveillance des employés en arrêt maladie (« collecte de preuves pour les conflits prud’hommaux »)20.

Déjà sensibilisés à la sécurité et à la géopolitique version CNews par le patron de Corpguard, les futurs managers peuvent continuer leur formation avec le « MSc in Cybersecurity & Defense Management » proposé par l’EM21depuis 2021. Dans ce Master of Science interviennent entre autres« Le Ministère de l’Intérieur et le CREOGN (Centre de Recherche de la Gendarmerie Nationale22), Sopra Steria23, Byblos Group (sans doute avec son Blue Concept security and defense expertise)24, Michelin et son « Computer Emergency Response Team25 », « Sécurité et Défense Magazine ».

Avec cette formation, les entrepreneurs de la société capitaliste fluide et numérique feignent de découvrir les dégâts que leurs activités provoquent sur la planète, se plaignent de leurs conséquences sociales et politiques, et proposent des « solutions » pour tenter de contrôler/réprimer les désordres dont ils sont responsables.

Que ces « solutions » créent des situations encore pires, cela n’effleure même pas les cyniques formateurs et futurs managers de l’EM Lyon. C’est aussi une illustration du techno-solutionnisme qui règne en maître dans ces milieux : il n’y a pas de problèmes, que des solutions qui sont autant d’« opportunités de business ». À ce cynisme, s’ajoute l’avidité : qui dit « explosion des risques de cyber-attaques » dit explosion de la demande en cyber-solutions pour protéger les intérêts des entreprises et États. Il y a du fric à faire, et le fric, ils aiment. Beaucoup.

Et enfin, en parlant de fric à faire, l’EM a signé en 2021 dans le cadre de ce diplôme un « accord de coopération académique » avec le Cluster EDEN, c’est à dire le lobby régional des PME de l’armement, lui aussi créé par la CCI. Cet accord a pour but « d’exposer les étudiants du programme au monde professionnel de la défense et à ses professions connexes afin de mieux démontrer les opportunités existantes, les besoins futurs, et finalement de découvrir la profession qui attend les futurs diplômés dans ce secteur. »26

Ce Msc dispose de plusieurs pages de présentation spécifique sur le site de l’EM mais ne figure pas dans la liste des 13 mastères et MSc que propose l’école sur la page dédiée.27 Volonté de discrétion ou formation battant déjà de l’aile malgré l’appui des intellos du cluster ?

Comme il y a encore très peu d’informations disponibles sur le très discret futur « hub européen de sécurité globale », le rôle que va y jouer l’EM Lyon est donc pour l’instant extrêmement flou : le « MSc in Cybersecurity & Defense Management » y sera t-il délocalisé ? À quel niveau l’EM trempe t-elle dans ce projet ? On peut s’attendre à tout !

Grenouillages militaro-universitaires

Les liens entre l’EM Lyon et les milieux militaristes ne sont malheureusement pas un cas isolé. En témoignent les programmes européens Horizon 2020 et Horizon Europe qui comportent des volets militaires et sécuritaires. Ceux-ci associaient à Lyon des entreprises privées (Airbus, Thalès), des universités israéliennes (Université de Tel Aviv, Institut Weitzman), des sociétés israéliennes de l’armement (Rafael, Israel Aerospace industries), le ministère de l’Intérieur français, celui de la Sécurité Publique israélien, à l’université Claude Bernard (Lyon I), l’INSA, l’ENS et l’École centrale de Lyon.28
Ces coopérations mortifères sont l’excroissance européenne d’un tournant déjà entrepris par les laboratoires de recherche lyonnais. La recherche publique française, en mal d’argent public, collabore régulièrement avec l’armée et les industries de la défense sur de nombreuses thématiques. À Lyon I, le LaMCOS29, laboratoire spécialisé dans les contraintes mécaniques et les explosions (on se demande de quoi?) travaille en collaboration avec la DGA, SAFRAN, Naval Group, Thalès, … Ces collaborations se manifestent par des appels à projet, mais aussi des thèses CIFRE – à savoir des thèses financées exclusivement par le privé – ou encore des collaborations formalisées comme le CIRTRANS, organisme qui regroupe des laboratoires publics de recherche et des entreprises comme Arquus (blindés) autour des transmissions de puissance.

L’Institut des Nanotechnologies de Lyon tire également son épingle du jeu. Sa collaboration avec Lynred – parmi bien d’autres – y est fièrement arborée et permet d’affirmer que la recherche française rayonne encore récemment jusque dans le matériel militaire russe !

N’oublions pas la plate-forme Cristal Innov30. Installée sur le campus de Lyon I elle a été créée par l’université et des industriels pour recréer – sur demande de l’Agence de l’Innovation de de Défense31 du ministère des Armées –, une filière française des cristaux de quartz de synthèse à usages militaires (radars, navigation et guidage des missiles). Elle dispose aussi avec « Crystalite » d’un secteur dédié à l’industrie du luxe (bijouterie, horlogerie, maroquinerie…). Quand ce secteur industriel achète les pierres synthétiques de Cristal Innov sait-il qu’il achète des « quartz de sang » issus de la recherche militaire et finalement assez semblables aux « diamants de sang » issus des trafics qui ont alimenté les atroces guerres civiles d’Angola, Côte-d’Ivoire, Liberia, Centrafrique… ?

La SERL et le grand silence frisé de la Métropole de Lyon

La Métropole de Lyon, dirigée par l’écologiste Bruno Bernard se signale par sa discrétion de violette sur le projet de hub/campus. Malheureusement, la réalité frappe à la porte quand on se penche sur le rôle joué par la SERL (Société d’Équipement du Rhône et de Lyon)32.

Le Groupe SERL, société d’économie mixte, est le bras armé de la Métropole pour toutes les questions d’aménagement. Les Verts, après leur élection à la tête de la métropole, avait pris soin d’y faire le ménage en y évinçant les proches de Collomb. L’actuelle présidente, Hélène Geoffroy, est maire PS de Vaulx en Velin et conseillère métropolitaine.

La SERL« intervient dans de très nombreux domaines, tels que la création et le renouvellement de quartiers, le développement de zones d’activités, la réalisation d’équipements publics et privés, la programmation, les études de sûreté urbaine. »

C’est donc la SERL qui, sur la période de septembre 2022 à septembre 2023, a été chargée de l’« Assistance à maîtrise d’ouvrage [AMO] » pour le projet de « Campus de la Sécurité Globale ». C’est à dire qu’elle a accompagné la CCI dans la préparation du projet (étude de faisabilité, définition de ses dimensions, etc.). On apprend aussi que les investissements nécessaires sont évalués (pour le moment) « Entre 35 000 000 et 40 000 000 € HT ». Étrangement, la rétrospective 2023 d’activités de la SERL ne mentionne pas cette AMO. Les discrètes violettes de la Métropole dégagent maintenant un parfum entêtant… En conclusion, quand la CCI lance en octobre 2023 son projet de campus, tout le travail préparatoire a déjà été réalisé par la SERL La Métropole est donc bel et bien impliquée dès les origines dans ce projet opaque et totalitaire.

Quand on questionne Bruno Bernard sur les liens entre la métropole de Lyon, dont il est président, et l’industrie de l’armement, il assure avec un brin de gêne qu’avec lui tout est forcément « critérisé » et encadré. Peut-être croit-il – ou veut-il faire croire – que la suppression du financement du cluster EDEN par la Métropole vaut quitus pour tout le reste des soutiens à l’industrie de l’armement sur le territoire. En tout cas, nous aimerions qu’il s’explique concernant l’implication de la métropole sur ce projet de « hub ». Gageons qu’il risque de garder son air gêné.

LE CLUSTER EDEN : LE PARADIS POUR EUX, L’ENFER POUR LES AUTRES

Créé en 2008, le Cluster EDEN (European Defense Economic Network) est le lobby régional des petites et moyennes entreprises œuvrant dans le militaro-sécuritaire. Ce cluster a pour objectif « d’unir » la grosse centaine de ses membres afin de faciliter leur développement. Son président actuel, Thierry Regond, est vice-président de l’entreprise Sunaero qui œuvre dans la maintenance aéronautique et vice-président du tribunal de commerce de Lyon.33

La création d’EDEN est directement liée à une étude menée par la CCI de Lyon sur demande de la Direction Générale de l’Armement (DGA)34, visant à « mieux connaître sa Base Industrielle et Technique de Défense » (BITD)35. Le cluster est hébergé par la CCI de Lyon qui le subventionne en « nature » (prêt de locaux et d’employés). Originellement limité à la région Rhône-Alpes, le cluster n’a cessé de s’étendre : il devient en 2011 une « fédération nationale », et ouvre un « bureau national unique » en 2017. Il a maintenant des branches en Bretagne, dans le Grand Est, en Île-de-France et dans le Sud. En 2022, il revendique plus de 130 membres.

En 2023, son organigramme inclut dans la catégorie « conseillers » deux généraux retraités en poste à Lyon36, : le général de gendarmerie Philippe Guimbert et et le général Christian Peraldi, (récemment disparu de l’organigramme) qui est aussi passé par Byblos37.

Le Cluster EDEN n’est donc pas une banale association d’entrepreneurs fabriquant du matériel quelconque : c’est une initiative de l’État (par le biais de la DGA), des politiques et de la CCI, main dans la main avec les entrepreneurs locaux, pour développer l’industrie de l’armement, de la sécurité et de la surveillance en Région et au-delà.

« Dualité » des matériels et camouflage militaro-sécuritaire

La plupart des entreprises membres du cluster sont « duales », c’est à dire qu’elles œuvrent à la fois dans le civil et le militaire en utilisant des technologies applicables à ces deux secteurs. En 2014, la part d’activité « militaire » moyenne des entreprises du cluster était estimée à environ 30 %, même si pour quelques-unes cette part pouvait monter à 90 %.

Si pour certaines entreprises les productions militaires et sécuritaires ne sont pas au cœur de leur activité (Metravib, par exemple, est une entreprise spécialisée en acoustique et vibrations de manière générale), le Cluster EDEN a aussi pour but d’aider les industriels de l’armement à se diversifier vers le civil « pour ne plus dépendre exclusivement des marchés de la défense, à acquérir des nouveaux savoir-faire qui pourront intéresser la DGA et ainsi à pérenniser leur existence »38.

Il faut aussi prendre en compte qu’à l’ère du tout-numérique et des « systèmes complexes », les mêmes innovations ou techniques servent tout autant à des applications civiles, sécuritaires ou militaires –en gros, la même puce électronique peut être utile à votre lave-linge comme à un missile. En étant « duales », c’est à dire en multipliant les marchés, ces entreprises auront les moyens de maîtriser les technologies les plus récentes, ce qui au final permet aux PME françaises de proposer des matériels et technologies militaires de pointe à l’export39.

L’État et la DGA sont parfaitement conscients que cette « dualité » est vitale pour l’industrie française de l’armement. Ainsi, les programmes ASTRID (Accompagnement Spécifique des TRavaux d’Intérêt Défense) et RAPID (Régime d’Appui à l’Innovation Duale) de la DGA subventionnent les « projets d’innovation duales » portés par des laboratoires et PME40.

Ainsi ceux-là mêmes qui fabriquent ou contribuent à la guerre sont aussi les féroces promoteurs de la robotisation, de la numérisation et de la déshumanisation de tous les secteurs de la société (agriculture, santé, éducation, transports, services publics…), de la 5G et des voitures électriques à tout crin, des dispositifs de surveillance de la population, de l’Intelligence Artificielle… Le très civil Salon de l’Internet Des Objets (SIDO) de Lyon dont plus de la moitié des exposants de l’édition 2023, travaillent aussi pour le secteur de la défense en est un exemple parfait !

Il existe donc un « continuum technologique » reliant le numérique civil au sécuritaire et au militaire de manière aussi discrète que planifiée.

Militaire versus sécuritaire : le bal des hypocrites

Dans la catégorie d’activités « civiles » nécessaire à cette dualité peut se trouver tout un pan de « sécuritaire » qui ressemble salement à du militaire. Ainsi quand Delta Drone, ancien membre du Cluster EDEN, vend ses drones à des compagnies minières pour surveiller des sites industriels mais que ces drones servent aussi au contrôle des population et à la « gestion » d’émeutes en cas d’oppositions locales, Delta Drone peut hypocritement arguer que ses produits ont une application exclusivement « civile ». Mais cette hypocrisie éclate au grand jour quand on apprend qu’en 2022, l’entreprise a racheté une société spécialisée dans les drones militaires, Tonner Drones, dont elle a repris le nom. Et maintenant, le militaire y est au premier plan.41

Ce flou organisé, qu’on peut aussi lier au continuum sécurité-défense/sécurité globale, permet de contourner les limitations s’appliquant en principe aux exportations de matériel militaire, comme celles du Traité sur le Commerce des Armes, signé par la France.42 Ainsi, les cinq blindés « Bastion » d’Arquus vendus récemment à la police chilienne, comme les lance-grenades fabriqués par Verney-Carron-Lebel, utilisés contre les manifestants au Sénégal en 2023 – Amnesty International a décompté 23 morts – ont été exportés en tant que matériel de « maintien de l’ordre ». Cela leur a permis de passer les frontières sans presque aucun contrôle. C’est un atout pour l’État français car cela lui permet d’exporter toujours plus de matériels militaires.

Mais cette force de vente à l’export est aussi une manifestation de la faiblesse structurelle du secteur. L’État et l’armée ont un besoin vital d’exporter pour maintenir et développer un secteur industriel militaire tricolore performant car les seules commandes de l’armée française ne suffisent pas à faire tourner autant d’entreprises et à rentabiliser les investissements.

40 à 60 % de la production doit donc être impérativement exportée. La « souveraineté nationale » se maintient donc en alimentant le militarisme et les conflits à l’étranger tout en se mettant sous la coupe de clients de plus en plus exigeants en termes de transferts de technologies, d’accès privilégié au marché français et d’appuis diplomatiques et militaires (Qatar, Arabie Saoudite, Émirats…)

« Chasser en meute des contrats à l’export… »

Un des rôles-clés du Cluster EDEN est d’aider ses entreprises membres à obtenir des contrats à l’export, « Chasser en meute », pour le dire dans les mots de son ancien président, Luc Ouvry. Plus de la moitié du chiffre d’affaires des entreprises membres du cluster vient de l’export.43 De son côté, La Région AuRA finance la présence des loups-garous de l’armement régional sur tous les grands salons internationaux : Milipol, Eurosatory, Idex d’Abou Dhabi… Et Stéphanie Pernod, première vice-présidente de Wauquiez défend au canon ses champions régionaux : « La Région est fière de soutenir ses fleurons industriels spécialisés dans l’armement tant ce secteur est stratégique pour notre souveraineté, en plus de créer des emplois dans nos territoires. »44

En mai 2022, l’Observatoire des Armements publiait son rapport « La guerre se fabrique près de chez nous » sur les entreprises d’armement en Auvergne-Rhône-Alpes.45 Plusieurs entreprises membres du cluster EDEN y étaient épinglées pour avoir vendu du matériel militaire ou sécuritaire à des régimes réprimant leurs populations.

Outre Delta Drone, citons Metravib qui a équipé les blindés turcs engagés contre les Kurdes avec un système de détection acoustique des tirs ; PGM Précision qui a fourni en fusils de précision les armées égyptiennes et israéliennes, coupables d’exactions respectivement au Sinaï et en Palestine ; Verney-Carron dont le matériel de « maintien de l’ordre » a été utilisé contre les populations sénégalaises ; Nobel Sport qui a équipé la répression des populations libanaises et ivoiriennes. Et aussi Elistair, fabriquant local de drones filaires, qui jurait ses grands dieux faire dans le civil et le légal (tout en contractant avec la Direction Générale de l’Armement), jusqu’à ce que l’Obsarm46 dénonce la poursuite de ses ventes de drones en 2023 aux services secrets russes, malgré l’embargo de 2022.

Dans nombre de pays, notre Cluster EDEN « bien de chez nous » n’a rien d’une promesse de paradis pour les populations civiles…

Il faut aussi savoir que ces exportations de matériels militaires se font sur autorisation de l’État, dans la plus totale opacité. Protégées par le secret-défense, les décisions de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) sont prises en tenant compte de « directives de haut niveau » fournies par le gouvernement. Décidée par les politiques et contrôlée par les mêmes, la récente création dans la dernière loi de programmation militaire d’une « commission d’évaluation de la politique d’exportation des armes » n’est clairement pas suffisante pour assurer un minimum de transparence sur les ventes du second exportateur mondial d’armement (palmarès de 2023). Dans ce domaine, la France reste loin derrière la majorité des pays européens où la transparence dans l’attribution ou le refus des licences d’exportation est une évidence démocratique depuis plusieurs dizaines d’années. Cette opacité conduit à penser que les cas recensés par l’Observatoire des Armements ne sont qu’un faible échantillon de la réalité.

C’est un jeu cynique et meurtrier entre l’État français et toute une industrie : cette dernière suit les froides lois du capitalisme et se jette sur le premier contrat juteux venu ; l’État quant à lui refuse toute transparence sur les exportations afin de maintenir et de développer sa « Base Industrielle et Technologique de Défense » (BITD), gage de souveraineté. Pour ces deux acteurs criminels peu importe l’usage qui sera fait de leurs matériels – tant que cela n’éclate pas en plein jour et n’éclabousse pas trop l’image des entreprises et de l’État.

La tension autour de ces questions d’exportation apparaît par exemple lors des convocations par la DGSI des journalistes grâce à qui des scandales deviennent publics – cinq convocations depuis 2018 pour le média Disclose.

GÉNÉRAUX À VENDRE SUR LYON

Dès leur retraite, plusieurs généraux de l’armée française en poste à Lyon se sont rapidement reconvertis dans des projets privés liés à la CCI. Cette tendance, loin d’être anodine, mérite qu’on s’attarde un peu sur trois de ces « heureux retraités ».

-Philippe Guimbert, ancien du SIRPA (service de communication des Armées) et chef de la Gendarmerie Nationale en région AuRA (les Gilets jaunes se souviennent encore de ses méthodes), est devenu conseiller « Sécurité Intérieure » du cluster EDEN.

D’après lui, « À l’heure où l’on parle de sécurité globale et où le concept de continuum de sécurité se structure, la synergie entreprise/forces de sécurité est plus que jamais déterminante” ; il exprime aussi sa joie de travailler au cluster « au profit de chefs d’entreprises qui partagent nombre de valeurs avec le monde militaire… »47.

-Le Général Peraldi est l’ancien Officier général adjoint de la zone de Défense et de sécurité, commandant d’armes délégué de la place de Lyon (2011 – 2016). Il est ensuite passé au privé, a été pendant deux ans « directeur exécutif du groupe Byblos »48, puis est devenu « conseiller chargé de mission » du cluster qu’il a quitté récemment.

-Le général Darricau était, lui, le gouverneur militaire de Lyon (2021-2023) et l’officier général de zone de défense et de sécurité Sud-Est, commandant de la zone Terre Sud-Est (avec 25 000 mili­taires et civils de la Défense sous ses ordres). Il est maintenant « directeur du projet hub européen de la sécurité globale ».

Deux de ces généraux vendus, Guimbert et Darricau, ont activement participé aux rencontres du CyberCercle financées par le conseil départemental du Rhône et la Région AuRA49 ; ce « CyberCercle »    organise les « journées de la cybersécurité Auvergne Rhône-Alpes » et les «Rencontres Défense & Cyber50 » qui s’adressent  « à l’ensemble des acteurs, civils et militaires, de la Défense et impliqués sur les sujets Défense qui veulent mieux comprendre les enjeux de la cybersécurité et aux acteurs de la Cybersécurité qui souhaitent mieux appréhender le secteur de la Défense. »

Ce phénomène n’est pas uniquement lyonnais : le général Cananova, ancien patron de la zone de défense ouest, a rempilé chez Nexter qui fabrique blindés et canons CaESAR ; le général Bertrand, ancien chef de la brigade franco-allemande, est passé avec armes et bagages chez Arquus, fabricant de blindés.51 Depuis, ils relaient les plaintes des industriels de l’armement : pas assez de commandes, trop de contraintes et de directives du ministère, absence de sécurisation par l’État du financement de leurs projets…

En passant dans le privé, ces ex-généraux emmènent leurs savoirs militaires, mais surtout leurs carnets d’adresses et leurs relations au sein des ministères. Ils deviennent selon les circonstances, des relais des industriels vers le ministère de la Défense, ou de l’État vers le privé. Ils sont l’huile dans les rouages entre ces deux mondes au nom du fric, du pouvoir et de la puissance.

De l’argent pour les saigneurs de guerre

Selon le dicton, l’argent est le nerf de la guerre. Et c’est bien ce qui chagrine nos industriels en région AuRA et ailleurs. La moula, le flouze, l’artiche, le pèze ils en ont besoin pour investir et mieux saisir les opportunités de développement. Lecornu, ministre des armées, Gassilloud, président de la commission de la Défense de l’Assemblée et la majorité sénatoriale (dernière tentative début mars 2024), ont tenté à plusieurs reprises de détourner une partie de l’épargne du livret A, vers le financement de l’industrie de l’armement.52

Car, malheureusement un certain nombre de banques sont encore très frileuses sur ces patriotiques investissements. Au point qu’Éric Trappier (président du Cidef (Conseil des industries de défense françaises) et PDG de Dassault Aviation) « alerte sur les « difficultés croissantes » de l’industrie de l’armement « dans sa relation avec les banques et les fonds d’investissement »… liées à l’ »application par le secteur financier des règles spécifiques » liées à la politique de l’UE pour « orienter les investissements vers des activités qualifiées de durables ». »53

En cause, les « critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ou critères ESG) »54 européens qui permettent d’évaluer la performance extra-financière d’une entreprise sur entre autres choses, sa politique de développement durable, la protection de la biodiversité et la lutte contre la corruption.

Comme tout cela ne fait pas bon ménage avec l’industrie de l’armement et que les « risques réputationnels » sont nombreux, banques et fonds d’investissements rechignent à investir : « 20% des fonds actions qui promeuvent les critères environnementaux et sociaux […] excluent les entreprises impliquées dans des contrats militaires […] Le chiffre passe à 40% pour les fonds qui ont pour objectif l’investissement durable […] Et « la production d’équipements au service de la dissuasion nucléaire représente une circonstance aggravante pour beaucoup de banques et fonds ». 

Récemment, Lecornu a piqué une grosse colère car des PME « se voient refuser des financements par une banque de détail bien connue dans le pays au titre de (leur) sous-traitance pour la dissuasion nucléaire car il s’agirait d’une arme, je cite, controversée ».55 L’arme controversée, c’est la bombe H française dont un des composants, le tritium devrait être fabriqué par irradiation du lithium dans les réacteurs de la centrale EDF de Civaux.

Heureusement, Lecornu et la presse économique peuvent se féliciter de l’agilité des fonds d’investissements Tikehau Capital, Weinberg Capital ou Durandal.

Une mention spéciale pour notre cluster EDEN qui va ouvrir à la rentrée 2024 une plate-forme d’investissements pour développer le financement des PME/ETI du secteur.56

Et, dans ce domaine, il ne faut pas compter trop longtemps sur l’éthique des banquiers qui ont « largement rouvert le dialogue avec l’industrie, avec la désignation de « référents défense » dans leur réseau, allant jusqu’à demander par la voix de la Fédération bancaire française (FBF) une exclusion européenne en faveur du secteur vis-à-vis des règles ESG 57». Par ici la bonne soupe.

LE BNE, LIEN TRÈS ÉTROIT ET ANCIEN ENTRE LA CCI ET L’INDUSTRIE DE L’ARMEMENT

Au fur et à mesure de nos recherches apparaît donc une toile militaro-sécuritaire en construction, associant des entrepreneurs privés, la DGA et d’ex-généraux de l’armée française, et dont la CCI de Lyon-Saint-Étienne-Roanne est le centre. Mais ce tableau ne serait pas complet sans parler du Banc National d’Épreuve de Saint-Étienne (BNE)58. Ce dernier, créé en 1782 par les fabricants de canons stéphanois appartenait depuis 1856 à la CCI de Saint-Étienne. Depuis la fusion en 2016 des trois CCI de Lyon, Saint-Étienne et Roanne il appartient à ce nouvel ensemble.

Le BNE est la seule structure en France habilitée à tester des armes légères et les munitions civiles et militaires (jusqu’au calibre militaire OTAN de 25 mm), à assurer leur destruction et à tester les matériaux de protection de tous types (blindages et protections individuelles). Elle « neutralise » aussi les « systèmes d’armes de moyens et gros calibres », installés sur des blindés. Il dispose donc d’un véritable monopole dans ces domaines. Il est un membre actif du cluster EDEN59 et du GICAT (Groupement des Industries de Défense et de Sécurité Terrestres et Aéroterrestres)60. Le GICAT est quant à lui, le lobby national de l’industrie de défense dont il fait la promotion à l’international. Il organise les salons Eurosatory (France) et Expodefensa (Colombie).

BNE, AMEFO et guerre au Moyen-Orient

Si l’on creuse un peu autour du BNE, on en arrive vite à l’actualité meurtrière du Moyen-Orient avec l’entreprise AMEFO (Saône-et-Loire qui fabrique des blindages militaires.

Elle est aussi membre du GICAT et se félicite de ses liens avec le BNE : « AMEFO s’appuie sur les solutions issues de ses recherches qui sont testées auprès des centres d’essais officiels européens : Banc National d’Épreuve de Saint Étienne… » En 2012, elle est devenue une filiale de l’entreprise israélienne Plasan61.

Cette dernière appartient au kibboutz Sasa situé près de la frontière libanaise, créé sur les ruines d’un village palestinien attaqué, détruit et vidé de ses occupants par l’armée israélienne en 194862.

D’après le storytelling du kibboutz celui-ci, faute de débouchés dans l’agriculture, s’est tourné d’abord vers l’industrie du plastique puis vers la fabrication de blindages et de protections individuelles militaires.

Plasan fabrique maintenant ses propres blindés légers, les Stormrider et Sandcat. « Aujourd’hui nous sommes 450 employés [à Plasan]. Il y a environ 80 employés dans l’usine française, et une centaine dans une autre firme américaine. »63 Dès l’attaque du 7 octobre, Plasan a mis les bouchées doubles pour fournir l’armée israélienne64.

Plasan est particulièrement satisfaite de l’achat d’AMEFO car « Ils sont spécialistes en métallurgie et travaillent les blindages en métal. Plasan travaille quant à elle des matériaux composites, sorte de sandwich en céramique, tissu, métaux etc. » Complémentarités, synergies, transferts de technologies sont à l’ordre du jour. Il reste une grande inconnue : comment et pourquoi cette entreprise stratégique a-t-elle été vendue à une entreprise israélienne ? AMEFO déclare donc que la fusion avec Plasan leur permet de concevoir des produits « en relation étroite avec des partenaires de référence : instituts de recherche, laboratoires universitaires… ». Il serait utile de savoir quels laboratoires de recherche et quels partenaires – israéliens, français, européens ? – travaillent pour eux. Et, pour « développer et valider ses produits, AMEFO/PLASAN associent leurs moyens d’essais et de simulations pour tous types de menaces (IED, mines, EFP, munitions…) »65

Comme en France, seul le BNE est autorisé à réaliser ces types de tests, nous pouvons affirmer que de Plasan à AMEFO en passant par le BNE, la CCI de Lyon-St Étienne-Roanne trempe dans la fabrication des guerres au Proche-Orient ou ailleurs. Business as usual…

SUR LA « RÉINDUSTRIALISATION » ET LA « SOUVERAINETÉ »

Tout ce que nous avons déjà dénoncé est une partie d’un tout, d’une méga-machine capitaliste, étatique, industrielle et technologique. Pour continuer à fonctionner et à se développer, elle doit contrôler et réprimer (police, armée, milices) afin de s’approprier eau, air sols, matières premières, animaux, plantes, humains, corps et esprits, ici et ailleurs.

Pendant longtemps ces pratiques sont restées lointaines dans des pays souvent anciennement colonisés, « pauvres », en « développement ». Notre « mode de vie » (non-négociable) était à ce prix. Mais, face aux tensions internationales (guerres et conflits), au renchérissement des matières premières, à la compétition entre capitalismes, à la crise écologique globale, la donne a changé. Maintenant, « nous sommes en guerre », il faut donc « réindustrialiser », « relocaliser » certaines industries et technologies au nom de la « souveraineté » industrielle et militaire et réussir la soi-disant « transition énergétique » du tout électrique et du tout électronique.

Localement, ces discours se concrétisent par la multiplication de projets imposés dans plusieurs domaines industriels étroitement liés :

– Agrandissement des usines de puces électroniques STMicroelectronics et Soitec à Grenoble à visées civiles, militaires et nucléaires66 ;

– Agrandissement des usines chimiques Arkema et Daikin en banlieue lyonnaise. Arkema fabrique, d’une part des matières plastiques PFAS (les fameux polluants éternels) nécessaires à la fabrication des puces de STMicroelectronics et, d’autre part les sels de lithium pour les gigafactories de batteries électriques67 ;

– Réouverture de mines, notamment de lithium dans l’Allier pour alimenter avec du minerai « français », le nouvel Eldorado du tout électrique68 ;

– Relance du programme électro-nucléaire, par l’État EDF et ses nucléocrates avec les EPR2 de Bugey dans l’Ain69  au nom de l’attractivité économique internationale « décarbonée » de la France (cf le dernier sommet Choose France)70;

– Projet de barrage hydro-électrique Rhonergia de la Compagnie Nationale du Rhône, sur la dernière partie du Rhône encore sauvage pour toujours plus d’électricité « verte »71.

Ce qui nous est vendu n’est pas un projet de société en transition écologique : c’est la continuité du productivisme et du dogme de la croissance économique, par le règne du tout électrique et du tout numérique – et ne parlons même pas de la société de flicage et de militarisme qui en découle.

Notre mode de vie est d’ailleurs soutenu par les développements de l’industrie de l’armement et les interventions militaires qui exploitent les conflits et permettent d’accéder à bas coût à des ressources (métaux, hydrocarbures …) que nous ne possédons pas sur le territoire national72. Garant du marché et du productivisme, l’État providence se nourrit des guerres. C’est pourquoi il est impératif de « diminuer sa taille », de vivre avec moins, d’inventer de nouvelles solidarités qui vont au-delà des revendications syndicales traditionnelles adossées à la défense des appareils industriels. C’est pourquoi nous nous associons au mouvement Stop Micro à Grenoble qui, en contestant la place des entreprises de microélectronique, remet en cause ce système global.

CONCLUSION

Le contexte actuel montre la convergence de plusieurs menaces :

-La mise en place de politiques d’État pour militariser les esprits et le pays : « réarmer » en mettant au pas la jeunesse par le SNU et l’uniforme à l’école ; en multipliant les partenariats des forces de l’ordre et du secteur militaire avec les milieux universitaire et scolaire (référents Défense, classes Défense en lycée professionnel) avec les communes (correspondants défense dans les conseils municipaux) et les entreprises (signatures d’accords entreprises-armée pour faciliter le doublement du nombre de réservistes de la Garde Nationale). En France, le budget du ministère des Armée explose73 pendant que ceux du social, de l’éducation, de l’écologie sont laminés au nom du « rétablissement de l’équilibre des comptes publics ».

-Le développement de secteurs entiers de l’industrie pour qui les guerres sont autant de marchés juteux pour nourrir les profits du système capitaliste quel que soit le prix humain ;

– la hausse prévisible et massive des investissements des banques et fonds spécialisés vers ces secteurs au nom de la « finance patriotique »

-Des innovations technologiques et numériques (pensons à la Start up Nation) démultipliant toujours plus les possibilités de contrôle, de traçabilité humaine et de destruction par les États, les polices et les armées ici et ailleurs ;

-Un brouillage systématique des pistes grâce au caractère « dual » – c’est à dire à la fois civil et militaire – de la plupart de ces technologies présentées comme indispensables et politiquement neutres. Thalès, multinationale de l’armement high tech, qui travaille sur le « portefeuille d’identité numérique » généralisant le contrôle permanent de l’identité par QR code et Smartphone ou STMicroelectronics dont les puces « civiles » équipent les drones militaires russes, en sont de bons exemples.

-Des programmes industriels imposés, associés à la volonté de recréer une société en ordre de marche pour la guerre par la militarisation des consciences et de la société toute entière. Cette convergence constitue une véritable menace globale pour les populations de la planète.

Le « réarmement » annoncé par Macron possède plusieurs facettes, mais sa dimension industrielle – le développement national de l’industrie de l’armement – était déjà en cours localement : dans la région lyonnaise, la CCI, main dans la main avec l’État et la DGA, « réarmait » depuis déjà pas mal d’années. De la même manière que le Groupe Grothendieck, dans le livre « L’Université Désintégrée », mettait en lumière le modèle grenoblois de l’industrie militaire centré autour du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), nous sommes convaincus que se met en place autour de la CCI de Lyon un modèle industriel militaro-sécuritaire « à la lyonnaise ».

Ce qu’il faut défaire

Il est possible et nécessaire d’entraver localement cette industrie mortifère en s’opposant à ce qui existe déjà comme à ce qui est en gestation.

Localement, deux axes de lutte nous semblent importants :

-le Cluster EDEN, lobby local des PME de l’armement émanant de la CCI, est incontournable.

Il nous semble important, en premier lieu, de dénoncer ce qu’ils produisent, mais aussi la politique d’exportation et de profits à tout prix des entreprises qui le composent. Cet axe permet du même coup de dénoncer l’État qui autorise ces exportations, vitales pour la survie et le développement de cette industrie. Le ralentissement ou le blocage des exportations militaires peut ainsi gripper la mécanique lubrifiée au sang humain de ce secteur industriel. L’éthique et le vernis de respectabilité de l’État et des industries de l’armement sont, plus que dans d’autres secteurs, une façade qui tient à peu de chose. Le secret, l’opacité, les magouilles, les menaces et le confidentiel-défense sont leurs armes ; les nôtres sont de les dénoncer publiquement. C’est une façon simple et concrète de taper là où ça fait mal : rappelons que si l’État souhaite financer l’industrie de l’armement par le biais du livret A, c’est parce que les banques refusent de le faire d’elles-mêmes par peur d’être éclaboussées par les scandales réguliers causés par cette industrie. Ainsi, l’entreprise Lynred a récemment subi de gros « dommages réputationnels » et financiers suite à la dénonciation de ses exportations clandestines pour l’armée russe.

– Contester et agir contre le projet militaro-techno-sécuritaire du « Campus Européen de la Sécurité Globale ». Ce projet qui nécessite le développement de ponts entre l’entreprenariat local, l’armée et la recherche publique n’en est qu’à ses débuts et de nombreuses zones d’ombres volontaires l’entourent. Nous invitons toutes et tous à s’interroger, rechercher et dénoncer les éventuels liens entre ce « hub » et d’autres établissements que nous savons déjà acquis au militaro-sécuritaire – universités (Lyon I et Lyon III), écoles d’ingénieurs (INSA, École Normale Supérieure, etc) et en particulier l’EM Lyon. Du cynisme militaro-industriel aux délires sécuritaires permis par la surenchère technologique du contrôle, ce « hub », s’il se concrétise, ne sera pas seulement le symbole d’un projet de société que nous sommes nombreux à vouloir empêcher d’advenir : il en sera la cheville ouvrière. Nous souhaitons donc que se construise une opposition forte et multiforme face à ces projets mortifères et totalitaires. Big Brother s’installe à Écully, luttons contre la CCI !

N’oublions jamais que comme l’écrivait Anatole France en 1922 dans « l’Humanité »: « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels ». Refusons d’être passifs et complices au nom de mauvaises raisons économiques, de création d’emplois, de sécurité, stratégiques ou de rêves de grandeur impériaux, guerriers et militaires qui ne seront jamais les nôtres. Cela est évident mais nous le rappelons encore : les guerres se fabriquent près de chez nous, la répression et le contrôle sécuritaire aussi. Soyons en lien et en lutte partout face à la peste militariste, d’où qu’elle vienne !

Coordination Régionale Anti Armement et Militarisme (CRAAM)

Contact : craam@riseup.net

Blougue : craam.noblogs.org/

1Guerre en Ukraine : comment la France contourne l’embargo sur la Russie. Les Notes de l’Observatoire n° 7. Observatoire des armements. Juin 2023 <https://www.obsarm.info/>

2La guerre se fabrique près de chez nous. Les Notes de l’Observatoire n° 6. Observatoire des Armements. Mai 2022 <https://www.obsarm.info/>

3Intelligence économique : la CCI de Lyon met en place une structure spécifique pour les PME. Lyon entreprises. 12/09/2018 <lyon-entreprises.com/>

4<lyon-metropole.cci.fr/>

5Gilles Darricau, l’ancien gouverneur militaire de Lyon chargé de lancer le futur Hub de la Cyber-sécurité de Lyon sur le site d’EM Lyon. D.Largeron. Lyon entreprises. 02/10/2023 <lyon-entreprises.com/>

6Ecully. Bientôt un campus européen de la sécurité pour remplacer l’EM Lyon ? Actu Lyon. 27/08/2021 <actu.fr/auvergne-rhone-alpes/>

7Lire « l’Université Désintégrée », du Groupe Grothendieck (éditions du Monde à ‘Envers), pour des exemples grenoblois.

8Gilles Darricau. CCI Lyon Métropole Saint Etienne Roanne. Décideurs. Bref Éco. 29/09/2023 <brefeco.com/>

9<https://www.continuum-securite.fr/>

10La militarisation de la police et ses conséquences irréversibles. La Mule. 05/07/2022 <lamule.media/> Voir aussi : La militarisation du maintien de l’ordre en France, vers une dérive autoritaire ? The Conversation. 10/04/2023 <theconversation.com/>

11Face aux agents de sécurité privée. Ligue des Droits de l’Homme. <ldh-france.org/>

12emlyon business school, partenaire de la CCI. <lyon-metropole.cci.fr/>

13Un campus nouvelle génération. EMLyon <em-lyon.com>

14Confortée dans sa stratégie par ses actionnaires et dotée de moyens accrus, emlyon business school réaffirme son ambition de devenir l’une des premières Global Business Universities dans le monde. EMLyon. 16/12/2022 <em-lyon.com>

15Les anciens élèves célèbres de l’emlyon. F. Degaye. EMLYon <em-lyon.com>

16emlyon, société à mission : rentrée responsable. EMLYon.145/09/2021 <em-lyon.com>

17<https://www.corpguard.com/>

18Cf note 2

19Contribution territoriale au continuum de sécurité globale en région Auvergne-Rhône-Alpes. <continuum-securite.fr/>

20Collecte de preuves pour les conflits prud’homaux <corpguard.com/>

21emlyon lance le nouveau MSc in Cybersecurity & Defense Management. EMLyon. 16/02/2021 <em-lyon.com>

22CREOGN. Le Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale <gendarmerie.interieur.gouv.fr/crgn/>

23L’IA dans le domaine de la defense & la sécurité. SOPRA STERIA. 16/11/2023 <soprasteria.fr>

24Blue Concept Security and Defense Expertise. Byblos Group <byblos-group-holding.com/>

25Système de cybersécurité inventé en 1988 par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) étatsunienne qui a aussi inventé ARPANET, l’ancêtre d’Internet (1969).

26Eden Cluster Academic Accord. EMLyon. 02.09/2022 <em-lyon.com>

27Mastère Spécialisé et Master of Science. EMLYon <em-lyon.com>

28Cf le tract «L’armée ça tue, ça pollue et ça rend con ! L’industrie c’est pareil ! » diffusé à Grenoble lors de la manifestation Stop Micro du 5 avril 2024

29<lamcos.insa-lyon.fr/partenaires_industriels.php?eq=0&L=1>

30<cristal-innov.com/fr>

31Le ministère des Armées a relancé une filière française de production de quartz de synthèse de très haute qualité. Agence de l’Innovation de Défense. Ministère des Armées. 06 avril 2023 <defense.gouv.fr/aid>

32La Société d’Équipement du Rhône et de Lyon [SERL] : une Société d’Économie Mixte [SEM] <groupe-serl.fr/>

33Eden Cluster représente les PME et ETI de la Défense, avec un chiffre d’affaires de 900 milliosn [sic] d’euros. Interview de Thierry Regond, Président de Cluster Eden. <bfmtv.com/economie/>

34Présentation de la Direction générale de l’armement. DGA. Ministère des Armées <defense.gouv.fr/dga>

35Le réseau des PME françaises de Défense, sécurité et sûreté. Dossier de presse. Cluster EDEN. 2021 <edencluster.com>

36<edencluster.com/lequipe/>

37Byblos Group <byblos-group-holding.com/>

38EDEN cluster à l’Agence Européenne de Défense : les entreprises de la défense ont impérativement besoin de se développer vers le civil.Interview de J-L Logel, président du cluster EDEN. RP Defense.25/11/2014 <rpdefense.over-blog.com/>

39Cf note 38

40RAPID (régime d’appui à l’innovation duale). Agence de l’Innovation de Défense.Ministère des Armées <defense.gouv.fr/aid/>

41Dronifier les métiers pour un monde plus sûr <tonnerdrones.com/>

42La France a continué à exporter des biens à double usage à la Russie en 2022. Communiqué de presse. Observatoire des Armements. 03/10/2023 <obsarm.info/>

43Cf note 35

44Réponse écrite de Stéphanie Pernod à une question écrite du groupe « Les écologistes ».

45Cf note 2

46Cf note 1

47EDENews n° 7 décembre 2021 <https://madmagz.com/fr/magazine/1962377#/>

48Général Christian Peraldi. Général (2S) et Directeur Exécutif, Groupe Byblos <cercle-k2.fr>

49Politiques publiques de cybersécurité – cyberdéfense Matinale du CyberCercle Auvergne-Rhône-Alpes, lundi 6 novembre 2023, Lyon <tdfcyber.fr/auvergne-rhone-alpes/>

50Rencontres Défense & Cyber 2023, 19 septembre 2023 <defense-cyber.fr/>

51Le chef des armées critiqué par les militaires. Claude Angeli. Canard Enchaîné du 06/03/2024

52Nouvelle tentative au Sénat pour orienter une partie du livret A vers l’industrie de la défense. G. Jacquot. Public Sénat. 01:03:2024 <www.publicsenat.fr/>

53Le coup de gueule de l’industrie de défense contre les banques. Amélie Férey, Laure de Roucy-Rochegonde, citées par Vincent Lamigeon dans Challenges. IFRI. 08/12/2022 <www.ifri.org/>

54Critères ESG : définition, exemple, enjeux pour les entreprises. BPI France. 20/11/2023 <https://bigmedia.bpifrance.fr/>

55Le ministre des Armées menace de révéler le nom des banques refusant de prêter à la défense. A. Drif. Les Échos. 21/05/2024 <www.lesechos.fr/>

56Financement des PME et ETI de défense : vers une première Market Place en France.M. Cabirol. La Tribune. 04/03/2024 <www.latribune.fr>

57A Bruxelles, les banques militent pour un statut d’exception en faveur de la défense.A. Drif. Les Échos. 18/01/2024 <www.lesechos.fr>

58<banc-epreuve.fr/>

59Voir page 24 de l’annuaire 2024 du cluster EDEN <https://www.edencluster.com/wp-content/uploads/2024/03/2024-Catalogue-CLUSTER-EDEN-finalbdef.pdf>

60<gicat.com/>

61<amefo.fr/societe/>

62Sasa (Israël) <fr.wikipedia.org/>

63Des poubelles aux véhicules blindés : la formidable épopée du Kibboutz Sasa. Interview d’Ariel Halimi. Association France-Israël. 29/05/2021 <franceisrael.fr/>

64Au kibboutz évacué de Sasa, une usine de blindage travaille pour protéger les soldats. J. Jeffay. Times of Israel. 07/01/2024 <fr.timesofisrael.com/>

65Cf note 55

66<stopmicro38.noblogs.org/>

67Arkema Electronique et électricité. Marchés <https://www.arkema.com/>

68<facebook.com/stopmine03/?locale=ps_AF>

69<stop-bugey.org/>

70Le nucléaire avantage comparatif de la France. Interview de Bruno Le Maire. BFM Business.13/05/2024 <bfmtv.com>

71<stopbarrage.fr/>

72Opération Shabwa : la France et Total en guerre au Yémen ? Rapport. Observatoire des Armements. Novembre 2019. <obsarm.info>

73Il passe ainsi de 300 à 413 milliards d’€ pour la période 2024-2030 pour atteindre et sans doute dépasser 2 % du PIB. Au programme : renforcement et modernisation des forces nucléaires, programmes de recherche en IA, électronique, achat d’armes en tout genre, explosion des budgets cyber »…